
Transformer les algues en poudres alimentaires
01 septembre 2025Dans le cadre du projet AlgaPow, mené à AgroParisTech grâce à une bourse Marie Skłodowska-Curie (MSCA) de juin 2023 à juin 2025 au sein de l’unité mixte de recherche SayFood, le chercheur chinois Shaozong Wu et le professeur Christelle Turchiuli associent leurs compétences pour promouvoir les algues comme source alternative de protéines. Leur objectif est de développer des poudres alimentaires fonctionnelles à l’aide de procédés respectueux de l’environnement. Entretien avec les deux chercheurs.
Pourriez-vous vous présenter et nous parler un peu de votre parcours universitaire et professionnel ?
Shaozong
J’ai été titulaire d’une bourse postdoctorale Marie Skłodowska-Curie à AgroParisTech, au sein de l’unité mixte de recherche SayFood, de juin 2023 à juin 2025. Depuis mon doctorat, soit depuis plus de 10 ans, je travaille dans le domaine de la recherche sur les poudres alimentaires. Les poudres alimentaires vont des préparations laitières et des assaisonnements en poudre aux protéines végétales en poudre, etc. Je me suis efforcé d’améliorer le processus de séchage des poudres afin d’obtenir une meilleure qualité tout en réduisant l’empreinte carbone.
Christelle
Je suis Professeure de Génie des Procédés à l’Université Paris-Saclay - Institut Universitaire de Technologie (IUT) d’Orsay et chercheur au sein de l’Unité Mixte de Recherche SayFood à AgroParisTech dans le domaine de l’ingénierie des produits. Je travaille depuis de nombreuses années sur les opérations de production et de transformation des poudres, afin de comprendre les mécanismes de structuration et maîtriser les propriétés des poudres. J’ai eu l’occasion de participer à différents réseaux de formation à la recherche du programme Marie Curie par le passé. Cette bourse postdoctorale était donc une bonne occasion de continuer à travailler avec des jeunes chercheurs internationaux et sur des thèmes liés à la production de poudres respectueuses de l’environnement et l’utilisation des microalgues, que je souhaitais explorer dans le cadre du séchage par atomisation. C’est pourquoi j’ai décidé de postuler à cette bourse postdoctorale avec Shaozong.
Pourriez-vous nous en dire plus sur le projet AlgaPow ? Quelles sont les questions scientifiques que vous abordez et quels sont les principaux objectifs de la recherche ?
Shaozong
Le projet AlgaPow vise à trouver une solution alternative plus respectueuse de l’environnement pour répondre aux besoins alimentaires. Les protéines sont des composants essentiels de l’alimentation humaine. La demande croissante en protéines animales, combinée à une croissance démographique lente, pourrait entraîner un conflit entre les terres arables et la protection de l’environnement. Outre les protéines animales, les protéines végétales et issues d’algues constituent des alternatives prometteuses, car elles contribuent à réduire les gaz à effet de serre. Nos principaux objectifs sont donc de développer une formule de substitut au lait dérivée d’algues et de concevoir la structure de la poudre de manière à maîtriser ses propriétés, tout en minimisant la consommation d’électricité dans le processus.
Christelle
L’utilisation de protéines végétales alternatives est un sujet important au sein de l’Unité Mixte de Recherche SayFood. Nous avons souhaité associer notre intérêt pour le procédé de production, ici le séchage par atomisation, à l’utilisation de protéines alternatives pour la production de poudres alimentaires. Il s’agissait en particulier d’étudier l’impact des propriétés techno-fonctionnelles de la biomasse d’algues sur le séchage par atomisation pour obtenir des poudres présentant de bonnes propriétés, en tenant compte de la formulation, du processus et de la manière de gérer ces deux aspects. C’était également un moyen d’initier un travail sur les algues pour cette application spécifique. Nous avons des collègues qui travaillent également sur les algues au sein de l’équipe de recherche, mais pas pour la production de produits séchés par atomisation.
Shaozong, qu'est-ce qui vous a motivé à postuler pour une bourse postdoctorale Marie Skłodowska-Curie ? Quelles opportunités et quels avantages avez-vous vu dans le fait de rejoindre un programme européen ?
Shaozong
Lorsque j’ai obtenu mon doctorat il y a cinq ans en Irlande, je souhaitais approfondir mon potentiel et mes capacités de recherche en poursuivant une carrière postdoctorale. De plus, je trouve que Paris est une ville très attrayante, au cœur de la science et de l’art en Europe. Je pense pouvoir trouver l’inspiration pour mes recherches à Paris, où les nouvelles idées scientifiques sont encouragées. En ce qui concerne les avantages de cette candidature au programme européen, mon expérience de doctorat en Irlande m’a permis de me familiariser avec la culture européenne de la recherche. Par exemple, les universitaires européens accordent une importance primordiale à la minutie, qui est la marque d’une recherche de haute qualité. Cela me permet de m’intégrer efficacement dans l’écosystème de la recherche française. De plus, je me considère comme un chercheur actif, capable d’utiliser des méthodes innovantes pour résoudre des problèmes. En tant que chercheur international, j’apprécie également l’opportunité de découvrir et d’apprendre du riche patrimoine culturel de la France, tout en apportant avec moi une solide base de la culture chinoise.
Christelle, du point de vue d'un superviseur, qu'avez-vous gagné à accueillir un chercheur postdoctoral chinois ? Quelle valeur ajoutée cette collaboration internationale a-t-elle apportée à vous et à votre équipe ?
Christelle
Au sein de l’unité mixte de recherche, nous avons l’habitude d’accueillir des étudiants internationaux. Pour moi, cela a été une excellente occasion d’étendre ces expériences à une autre nationalité et de découvrir une nouvelle culture et une nouvelle façon de penser grâce à mes interactions avec Shaozong. Cela nous offre également la possibilité d’établir de nouveaux liens avec des universités chinoises, car nous prévoyons de poursuivre notre collaboration et d’échanger des étudiants dans le cadre de divers programmes. Cette collaboration a créé une base solide pour l’apprentissage mutuel et l’échange de bonnes pratiques, en particulier dans le domaine de la recherche sur les poudres. Shaozong a apporté une expérience précieuse au projet et, ensemble, nous avons exploré différentes approches et méthodologies expérimentales. En travaillant conjointement, nous avons développé des techniques pour étudier le comportement des produits pendant la réhydratation et la digestion et avons mis en œuvre des méthodologies spécifiques dans notre laboratoire. Shaozong a également eu l’occasion de rencontrer d’autres jeunes chercheurs travaillant sur d’autres projets liés aux algues ou utilisant des techniques intéressantes pour la caractérisation de nos produits. Dans l’ensemble, je pense que ce projet a été couronné de succès, car il a encouragé le partage des connaissances et favorisé de nouvelles perspectives scientifiques pour nous deux.
Qu'est-ce que le projet vous a permis de faire jusqu'à présent, en termes de résultats scientifiques, de conférences auxquelles vous avez participé ou de collaborations établies ?
Shaozong
J’étais un jeune chercheur au tout début du projet AlgaPow, nous avons donc dû consacrer beaucoup de temps à acquérir des connaissances dans le domaine des algues. Mais nous avons déjà obtenu des résultats intéressants. Par exemple, le processus de séchage par atomisation nous permet de modifier l’arôme de la poudre d’algues, ce qui réduit l’odeur de poisson des algues. Grâce à ce projet, j’ai participé à plusieurs conférences internationales, notamment l’IDS (23e International Drying Symposium) en Chine et Green Food Technology à Saint-Malo. Lors de ces conférences, nous avons rencontré d’autres chercheurs travaillant sur des sujets connexes, ce qui nous a aidés à élargir notre réseau de recherche. À mon retour en Chine, j’ai découvert qu’il existait plusieurs projets de coopération internationale entre la France et la Chine. J’essaie de coopérer avec Christelle et d’autres chercheurs d’AgroParisTech dans le cadre de ces projets. J’espère que dans un avenir proche, nous pourrons accueillir des étudiants ou des chercheurs français d’AgroParisTech et que des étudiants ou des chercheurs chinois pourront se rendre à AgroParisTech pour un échange de connaissances et de cultures.
Christelle
Au cours du projet, nous avons rédigé un article de synthèse sur l’utilisation de la biomasse des algues pour la production alimentaire et diverses applications alimentaires. Je pense que la rédaction de cet article dans ce domaine spécifique, qui suscite actuellement un vif intérêt, est une bonne opportunité pour Shaozong, car elle montre sa vision large de son domaine de recherche. Au cours du projet, nous avons également participé à la « Fête de la Science » et je pense que cela a été une bonne occasion de partager l’intérêt pour les algues et de faire découvrir aux jeunes les algues dans l’alimentation et la recherche, afin de leur montrer que la recherche peut également contribuer au développement de nouveaux aliments. J’espère que la collaboration entre nos deux laboratoires et nos deux pays se poursuivra.
Pour l'avenir, quels sont vos projets, que ce soit dans le prolongement du projet AlgaPow ou dans d'autres directions ?
Shaozong
J’ai l’intention de continuer à travailler dans le domaine de la transformation alimentaire des algues. Récemment, Christelle et moi avons soumis un article de recherche sur l’utilisation d’algues rouges dans la viande afin d’améliorer le profil protéique et nutritionnel du gel de viande. Les algues ont un grand potentiel à explorer dans l’industrie alimentaire. Je pense que je vais poursuivre mes recherches sur le séchage par atomisation, où je vais essayer d’améliorer la précision et le respect de l’environnement de ce procédé afin de réduire la consommation d’énergie.
Christelle
Je vais certainement poursuivre ce projet sur la production de poudres à base d’algues, car nous avons constaté le potentiel de la biomasse des algues comme support de séchage pour la production de poudres contenant des ingrédients actifs. Et bien sûr, l’expérience de la bourse postdoctorale Marie Skłodowska-Curie a été très positive, et je pense que c’est une excellente occasion pour les chercheurs de lancer et de développer un projet de recherche sur de nouveaux sujets. C’est également une bonne occasion de travailler avec de jeunes chercheurs talentueux qui ont déjà une expérience dans le domaine de la recherche et d’internationaliser nos recherches. Je ne peux que recommander à mes collègues de se lancer dans l’aventure de la bourse postdoctorale Marie Skłodowska-Curie !