
Marie Neri, lauréate du prix Xavier Bernard pour son mémoire
25 septembre 2025Étudiante à AgroParisTech sur le campus de Nancy et diplômée en mars 2025, Marie Neri se distingue par son parcours original alliant sciences naturelles et passion pour l’histoire. Après avoir hésité entre des études de lettres classiques et la biologie, elle a finalement choisi la voie des classes préparatoires BCPST qui l’a menée à AgroParisTech, où elle s’est spécialisée dans les écosystèmes forestiers. Son mémoire de fin d’études vient d’être distingué par le prestigieux prix des mémoires de fin d’études de la Fondation Xavier Bernard et de l’Académie d’Agriculture de France, reconnaissance qui couronne un travail innovant à la croisée de l’écologie et de l’histoire.
Pouvez-vous nous présenter en quelques mots le sujet de votre mémoire de fin d'études et ce qui vous a motivée à choisir cette thématique ?
Mon travail de fin d’études s’inscrit dans le domaine de l’écologie historique, une discipline captivante qui consiste à remonter le temps pour comprendre comment les écosystèmes actuels ont été façonnés par les activités humaines passées. Concrètement, j’ai exploité des documents d’archives du XVIIIe siècle pour reconstituer les modalités de gestion et l’état de la forêt de Chantilly à l’époque des Princes de Condé. L’objectif était de comparer cette reconstitution historique aux données actuelles récoltées sur cette même forêt pour mieux comprendre son histoire et son évolution, tant en termes d’aspect des peuplements que de biodiversité. Ce qui m’a motivée à choisir cette thématique, c’est l’approche qui marie parfaitement mes deux passions : l’écologie et l’histoire. J’ai toujours éprouvé un vif intérêt pour les civilisations passées, que ce soit par mes lectures mythologiques ou ma pratique de l’escrime médiévale, et cette curiosité trouve aujourd’hui un débouché scientifique concret : je trouve absolument fascinant que des écosystèmes que l’on qualifie de nos jours de « naturels » gardent pourtant si longtemps en mémoire la trace de notre passage, la griffe des usages humains passés.
Comment avez-vous mené vos recherches ? Avez-vous travaillé en partenariat avec des professionnels du terrain, des laboratoires ou d'autres institutions ?

J’ai eu la chance d’obtenir ce stage auprès de Jean-Luc Dupouey, qui travaille en tant que chercheur au sein de l’unité mixte de recherche (UMR) Silva. C’est lui qui m’a fait découvrir l’écologie historique pendant ma 2e année et ça a été une révélation ! J’ai donc été accueillie au centre INRAE de Champenoux, où j’ai pu bénéficier de son expérience et de ses précieux conseils pour structurer mes recherches, ainsi que de ceux de Laurent Saint-André, de l’unité de recherche BEF, qui connaissait parfaitement le domaine de Chantilly. Mais le clou de cette expérience, c’est l’opportunité extraordinaire que j’ai eue de passer quatre semaines dans la salle de lecture des archives du musée Condé. Imaginez : plongée dans des documents vieux de plus de deux siècles, à décrypter l’écriture de l’époque, à étudier et photographier ces témoignages du passé ! J’ai eu de riches échanges avec les archivistes du musée, qui ont partagé leur expertise pour m’aider à contextualiser mes découvertes. Une expérience tout simplement magique, qui ressemblait plus à un travail de détective historique qu’à un stage traditionnel !
En quoi votre formation à AgroParisTech vous a-t-elle préparée à mener ce projet de recherche ?
Le parcours de formation du campus de Nancy, où j’ai passé mes 2e et 3e années d’école, m’a d’abord permis d’avoir les bases scientifiques solides nécessaires pour bien appréhender les enjeux écologiques et forestiers que j’ai étudiés. Tous les enseignements ont été essentiel pour interpréter les données historiques avec un regard d’écologue. Mais je dirais que c’est surtout le fait d’avoir été constamment confrontée à des projets divers et originaux pendant ma formation qui m’a donné cette capacité d’adaptation indispensable pour s’attaquer à un sujet peu commun ! À AgroParisTech, on nous pousse sans cesse hors de notre zone de confort : études de cas complexes, approches multidisciplinaires, projets collaboratifs… Cette habitude de l’innovation et cette polyvalence, c’est vraiment ce qui m’a permis de jongler entre analyse d’archives du XVIIIe siècle et traitement de données écologiques contemporaines. Une préparation idéale pour l’interdisciplinarité !
Que représente pour vous cette reconnaissance par l'Académie d'Agriculture de France ? Aviez-vous imaginé que votre travail puisse être distingué par un prix aussi prestigieux ?
Pas vraiment. L’écologie historique reste une discipline assez « niche », à la croisée de plusieurs champs scientifiques. Quand j’ai appris que mon mémoire avait été retenu parmi les lauréats du prix Xavier Bernard, j’étais certes honorée par la reconnaissance de mon travail, mais surtout émue de voir qu’un tel sujet avait retenu l’attention du jury. Cette distinction dépasse la simple reconnaissance personnelle : elle met en lumière l’importance de cette approche interdisciplinaire dans un contexte où comprendre l’évolution des écosystèmes devient crucial face aux défis environnementaux actuels. Avoir écrit ce mémoire et le présenter à l’Académie, c’est une formidable opportunité de partager des sujets qui me passionnent. Sentir que cet intérêt est partagé par un jury aussi prestigieux, c’est un merveilleux sentiment qui encourage à poursuivre dans cette voie encore peu explorée.
Quelles perspectives ce travail ouvre-t-il pour la suite de votre parcours professionnel ? Comment envisagez-vous d'approfondir ou d'appliquer les résultats de vos recherches ?
Ce travail m’a littéralement ouvert les portes de l’écologie historique, ce domaine dans lequel je rêvais de me spécialiser depuis ma découverte de la discipline en 2e année ! Grâce à cette expérience concrète et reconnue, j’ai pu candidater avec succès au sujet de thèse qui m’occupe actuellement, toujours dans ce domaine qui me passionne mais cette fois, je remonte encore plus loin dans le temps puisque je travaille sur l’époque gallo-romaine ! Vous voyez, maintenant je peux vraiment « compter des fleurs tout en envoyant des mails aux collègues archéologues », le parfait équilibre pour quelqu’un comme moi ! Quant à Chantilly, j’espère vraiment avoir l’occasion de retravailler sur le sujet, que ce soit en parallèle de mon travail de thèse ou à son issue, notamment pour creuser la question fascinante du dépérissement forestier à travers les siècles. Ces archives recèlent encore tant de secrets… il y a là de quoi faire une deuxième thèse ! L’histoire n’a décidément pas fini de nourrir l’écologie.