
AgroSens, un capteur connecté pour suivre l’insuffisance rénale
25 juillet 202515 étudiants d’AgroParisTech, CentraleSupélec et de l’ENS Paris-Saclay ont conçu un capteur connecté pour améliorer le quotidien des personnes atteintes d’insuffisance rénale. Une innovation née sur les bancs de l’école, qui pourrait changer la vie de millions de patients atteints de cette maladie. Rencontre avec Guillaume Centene-Guglielmi et Eva Legrand, étudiants à AgroParisTech.
Une idée née d’un concours international
L’idée de ce capteur connecté commence en 2022 lorsque Lisa Schmitt, étudiante passionnée de biotechnologies, découvre SensUs, un concours international autour du développement de biosenseurs sur des enjeux de santé publique. Cette année-là, le défi porte sur la créatinine, un biomarqueur clé dans le suivi de l’insuffisance rénale. Elle imagine alors un capteur capable de mesurer ce marqueur en continu, une alternative innovante aux prises de sang ponctuelles. Elle fonde l’association ParisBioTek et constitue une équipe interdisciplinaire regroupant des étudiants d’AgroParisTech, de CentraleSupélec et de l’ENS Paris-Saclay. Ensemble, ils se lancent dans l’aventure AgroSens avec une ambition claire : mettre la technologie au service de la santé, dès les bancs de l’école.
Quelle est la problématique à laquelle vous répondez avec ce projet ?
Guillaume Centene-Guglielmi : Aujourd’hui, quand on souffre d’insuffisance rénale chronique, il faut faire des prises de sang régulières et attendre les résultats. Ce n’est pas très pratique. On s’est alors dit : et si on changeait ça ? On travaille sur un capteur portable, connecté, qui mesure la créatinine en continu. L’idée, c’est de pouvoir repérer les signaux d’alerte en temps réel, pour que les médecins puissent adapter les traitements tout de suite et que les patients reprennent un peu le contrôle sur leur santé. Moins d’attente, plus de réactivité, et surtout, une vraie avancée pour le confort de vie.
Comment s’est formée l’équipe autour du projet ? À quoi ressemble votre prototype ?
Guillaume Centene-Guglielmi : Dès le début, on savait qu’on ne pourrait pas construire ce capteur tout seuls. Alors, on est allés chercher des alliés : CentraleSupélec pour l’électronique, l’ENS Paris-Saclay pour les microfluidiques et bien sûr AgroParisTech pour toute la partie biologie et enzymatique. On a monté une équipe ultra complémentaire de 15 étudiants, chacun avec son expertise. On se réunit toutes les deux semaines pour faire le point. Le prototype commence à avoir fière allure. C’est un capteur enzymatique embarqué dans un circuit microfluidique, relié par Bluetooth à une application mobile. Concrètement, on dépose un échantillon de liquide interstitiel ou sanguin dans la puce. L’échantillon traverse une zone de détection, une électrode recouverte d’un gel enzymatique et le signal électrique généré est proportionnel au taux de créatinine. Le tout fonctionne sur une petite carte électronique autonome, rechargeable en USB-C.
Et aujourd’hui, où en êtes-vous dans le développement ?
Guillaume Centene-Guglielmi : L’an dernier, c’était notre première participation donc on a beaucoup exploré : bibliographie, contact d’experts, premières manipulations… mais on s’est retrouvés un peu en retard à l’approche du concours. Cette année, on a démarré plus tôt et on revient avec un plan du tonnerre. On capitalise sur la miniaturisation réussie, et on se concentre sur l’amélioration du signal enzymatique. Le but, c’est de gagner en précision, de renforcer la fiabilité, et de peaufiner l’application. On améliore la sensibilité et la stabilité du capteur, l’ergonomie de l’application et on travaille à fiabiliser les mesures. Le prototype est fonctionnel mais encore perfectible d’ici le concours SensUs.

Comment AgroParisTech et la Fondation vous ont-ils soutenus ?
Eva Legrand : On n’aurait jamais pu aller aussi loin sans soutien. La Fondation nous a donné deux coups de pouce majeurs via les jurys Créativité et Maturation : 500 €, puis 5 000 € et ça a tout changé. On a pu acheter du matériel, faire avancer le prototype et surtout travailler dans de vraies conditions. Nos activités en laboratoire sont encadrées sous l’œil bienveillant de Vincent Sauveplane. Il nous permet d’avoir accès à une paillasse, à du matériel, à des conseils précieux. Et puis, il y a eu d’autres appuis clés : CentraleSupélec, l’ENS, l’Université Paris-Saclay, la Fondation de Haute-Joux… C’est tout un écosystème qui a cru en nous. Et franchement, ça donne des ailes.
Et après le concours ?
Eva Legrand : On ne compte pas s’arrêter là ! Certains veulent continuer dans la recherche, d’autres rêvent déjà de lancer une start-up. L’idée d’un patch connecté, capable de suivre plusieurs paramètres sanguins en continu, commence sérieusement à germer… Mais au-delà du capteur, cette expérience nous a fait prendre goût à l’innovation, au concret, à l’impact. On a compris qu’on pouvait allier science, utilité, et ambition. Et ça, ça ouvre plein de portes.
Un petit mot pour les étudiantes et étudiants qui hésitent à se lancer ?
Eva Legrand : Oui, c’est intense. Oui, ça demande du temps, de l’énergie et parfois un peu de galères. Mais on apprend à travailler en équipe, à transformer une idée en prototype, à pitcher, à gérer des imprévus… et à rebondir quand ça plante. Et surtout : on réalise qu’entrepreneuriat et recherche ne sont pas des mondes lointains. C’est accessible. Même dès la première année. Alors, foncez !